Le destrier

Le destrier est le plus connu des chevaux de guerre du Moyen Âge. Il s'agissait d'un cheval particulièrement puissant, avec de la force, entrainé à porter les chevaliers pour la guerre, les joutes et les tournois.
On s'est longtemps interrogé sur l'origine de ce nom, qui, en ancien français, signifie tout simplement droitier.
Si beaucoup de linguistes, probablement non cavaliers, ont pu s'accorder avec une explication relative à la main par laquelle étaient tenus ces chevaux (pratique non réservée au seul cheval de guerre d'ailleurs), une autre hypothèse, moins répandue mais pour notre part plus convaincante, renvoie plutôt ce terme à une pratique de dressage spécifique. Le destrier ne serait donc pas le cheval que l'on tient par la main droite, mais plutôt le cheval entraîné à galoper à main droite sur commande, en d'autres termes, un « cheval droitier ».
Le galop est en effet une allure asymétrique, et selon l'antérieur qui avance le plus à chaque foulée, le cheval est dit galoper à main droite ou à main gauche, ceci lui permettant naturellement de garder son équilibre dans les courbes. Cette compétence revêt toute son importance dans le développement d'une nouvelle technique militaire qui domina les champs de bataille jusqu'à la fin du Moyen Âge : la charge à la lance couchée.
Cette technique consiste à maintenir la hampe de la lance fermement serrée contre son côté droit, en faisant passer celle-ci par-dessus le cou du cheval, à gauche, car ce côté était au XIe siècle protégé de l'épaule jusqu'au genou par un grand bouclier. C'est ensuite la force et la vitesse du cheval qui donnent son efficacité à cette attaque, toute la science du cavalier résidant à maintenir une position parfaite permettant à la fois d'asséner le coup et d'encaisser celui de son adversaire sans se faire soi-même désarçonner.
Ainsi, pour se protéger de la lance ennemie, les chevaliers usant de cette technique faisaient en sorte de se croiser uniquement par leur gauche. Un cheval galopant à main droite s'incurve aussi vers la droite, ce qui réduit notamment les chances que sa tête ne se trouve dans la trajectoire de la lance ennemie. Galoper à main droite permettait également à l'animal de mieux garder son équilibre si son cavalier était frappé par une lance à gauche.
L'équitation et le dressage des chevaux au Moyen Âge est un savoir oral, transmis par la pratique et non par l'écrit, et il n'a donc laissé très peu de traces, ce qui a longtemps fait penser qu'il n'existait aucune équitation médiévale. Si elle peut nous paraître moins sophistiquée que celle développée à l'époque moderne, elle répondait également à une utilisation militaire du cheval assez différente.
Le destrier devait néanmoins suivre un long entraînement afin qu'il puisse par exemple changer de pied au galop selon les ordres de son cavalier, se familiariser au bruit et à la cohue d'un combat médiéval ou encore courir sans broncher vers un autre cavalier armé d'une lance, attitude bien peu naturelle pour un animal-proie comme le cheval.
Les premiers tournois, apparus dans le courant du XIIe siècle, avaient d'ailleurs comme but principal de familiariser hommes et bêtes à cette nouvelle pratique de combat. La pratique de la lance couchée, demandant un très long entraînement depuis l'enfance pour le cavalier comme pour sa monture, était donc par défaut réservée à une élite qui avait le temps et les moyens de s'y consacrer.
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