Flèches et carreaux ont fait partie de l’arsenal de toutes les armées depuis l’antiquité et jusqu’à l’avènement de la poudre noire. Confrontés aux blessures occasionnées par ces traits, les médecins et chirurgiens ont du trouver le moyen de traiter les combattants touchés. Si le sujet est évoqué par plusieurs textes, les informations sont toutefois relativement limitées.
L’époque contemporaine va, de manière étonnante, nous apporter des informations précieuses sur le sujet. Les réponses sont à chercher en Amérique du Nord, et résultent de l’expérience acquise par les chirurgiens de la cavalerie US durant les guerres indiennes .
Le médecin romain , Celsus consacre un chapitre de son traité « De Medicina » à la question des projectiles. Il précise que la flèche peut être enlevée en la retirant, après avoir élargi la blessure de manière à pouvoir saisir la pointe avec un forceps. Dans le cas où la pointe est passée au delà du niveau de tendons ou de veines majeurs, il recommande de la faire sortir par l’autre côté, de manière à éviter que les barbelures ne sectionnent ces parties vitales lors du retrait. Il faut dans ce cas inciser à l’opposé, et aller chercher la pointe avec une pince ou les doigts…
Le chirurgien grec Diocles a d’ailleurs inventé un outil spécifique pour extraire les traits, dont hélas aucun exemplaire n’a été retrouvé. Il s’agit d’une sorte de cuillère dont le fond est troué, et que l’on fait glisser le long du fût de la flèche, puis passer sous celle-ci. Le trou permet de coincer la pointe de l’arme, et de remonter l’ensemble. Une fois la flèche extraite, on va nettoyer la plaie au vinaigre et appliquer différents baumes cicatrisants, avant de bander l’ensemble.
Le cas des blessures au thorax ou au ventre n’est pas abordé en tant que tel, mais l’auteur précise par ailleurs que toute blessure dans lequel l’intestin grêle est touché est mortelle.
On peut toutefois supposer que les blessures subies au Moyen-Age et dans l’Antiquité ne devaient pas être très différentes de celles auxquelles les cavaliers américains ont été confrontés lors de guerres indiennes, et pour lesquelles nous disposons d’une ample documentation aujourd’hui notamment à cause des travaux du major Joseph H Bill.
Le premier point à noter est que les blessures par flèche, compte tenu de la largeur et des arêtes coupantes de la pointe, sont susceptibles de sectionner des tendons et nerfs, mais également des veines ou artères, causant de ce fait des hémorragies. Celles-ci nécessitent une intervention immédiate, et donc la présence d’un service de santé en première ligne, ce qui a rarement été le cas dans l’Histoire.
Le second point souligné par les chirurgiens du XIXème siècle est qu’il faut absolument se garder de retirer la flèche en tirant dessus. Une telle action a pour conséquence de sortir le fût tout en laissant la pointe à l’intérieur, et donc de compliquer largement la tâche du chirurgien qui ne pourra suivre le trajet du bois pour trouver la pièce à extraire. Le fer doit impérativement être enlevé, ses bords tranchants constituant une cause permanente d’inflammation et de blessure, sans parler des aspects infectieux. Si il est possible de vivre avec une balle dans le corps, tel n’est pas le cas pour une pointe de flèche .
Les blessures aux membres sont les plus simples, avec un taux de mortalité de l’ordre de 5% seulement. Dans de nombreux cas, la flèche traverse simplement le bras ou la jambe, et le traitement consiste uniquement a désinfecter et bander les plaies. Si le trait se fiche dans un os, l’extraction est bien plus complexe, car il faut souvent une traction extrêmement significative pour retirer la pointe.
Les blessures à la poitrine sont bien plus dangereuses, à partir du moment ou la flèche passe entre deux côtes, car le poumon est touché dans plus de 50% des cas, avec des complications mortelles quasi systématiques. Les flèches ne traversent en général pas complètement, et se fichent très souvent dans les côtes, mais à l’opposé du point d’entrée. Le chirurgien repère dans ce cas l’emplacement de la pointe en bougeant le bois, et va tout simplement découper l’os dans lequel la pointe est plantée pour extraire la pièce métallique.
Les blessures à l’abdomen sont mortelles dans 90% des cas. Si le combattant évite une hémorragie immédiate, il succombe en général à une infection à partir du moment où l’intestin est sectionné. Au XIXème siècle le chirurgien tente tout de même de recoudre celui-ci, mais l’opération n’est pas tentée aux périodes antérieures, à quelques rares exceptions près.
Les blessures à la tête sont presque toujours fatales si la flèche traverse l’os et atteint le cerveau. Si tel n’est pas le cas, elle cause tout de même un enfoncement de la boite crânienne qui nécessite de réduire la fracture – sachant que le fait d’ôter le projectile suffit parfois à « redresser » la paroi osseuse.
Il existe toutefois deux différences de taille entre la fin du XIXème siècle et les périodes antiques et médiévales… Le chirurgien US pouvait endormir ses patients, ce qui permet d’opérer plus sereinement, et sans doute de mieux accéder au fer à extraire. A contrario, le combattant des périodes antérieures était armuré, ce qui limitait à coup sur la pénétration du trait, mais pouvait tout de même poser de sérieux problèmes pour accéder à la blessure. Celui qui retire une cotte de maille sait que l’opération est quelque peu complexe, et imagine facilement ce que cela pourrait donner avec une flèche traversant le tout…
Soigner une blessure par flèche au Moyen-Age
Modérateur : Andrieu Dervenn
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